Conseils de crise – 2
De la crise de temps court à celle de temps long
Au moment où j’écris ces lignes, nous sommes dans la 4ème semaine de confinement. Des échanges ou travaux que j’ai pu mener au cours des 3 premières semaines, il apparaît de façon simplifiée que la 1ère semaine a été une phase de sidération ; les 2ème et 3ème ont été concentrées sur la gestion de la crise et les urgences absolues.
La sidération est un phénomène normal. Elle se traduit par un laps de temps où la capacité de décision et de mise en action est lente, voire nulle. Ceci est lié à la surprise et la difficulté de comprendre ce qu’il se passe. Dans le cas du Covid-19, l’impact pour les entreprises a été d’une telle violence et soudaineté, que ceux dont la phase de sidération a été de moins d’une semaine s’en sorte plutôt bien
Nous avons été nombreux en mode gestion de crise au cours des 15 derniers jours. Cela signifie déclenchement des cellules de crises, décisions multiples, travail acharné, mise en place des mesures gouvernementales, adaptation des processus, présence renforcée auprès des équipes et des clients, communication, système D et créativité sans oublier beaucoup de solidarité.
Ces trois premières semaines passées, il semble aujourd’hui évident que la crise du Covid-19 va avoir des conséquences importantes auxquelles il va falloir faire face pendant les mois et les années à venir. Avant d‘espérer un retour à un mode normal qui de toute façon sera nouveau et reste à inventer, il s’agit d’abord de passer d’un mode de crise de temps court à la gestion d’une crise de temps long. Cela demande de se concentrer sur trois choses.
1 – L’endurance
Après le choc subit par le déclenchement de la crise, un travail de grande intensité dans un environnement très incertain avec un haut niveau de stress, il est important, sinon vital pour le dirigeant ou le manager, d’adapter son temps de travail et son niveau d’engagement personnel. Nous sommes partis pour de nombreux mois de difficultés, donc quoi qu’il se passe, le repos et la prise de recul doivent être inscrits dans l’agenda. Tenir dans la distance impose une nouvelle discipline. Cela demande une adaptation du fonctionnement de l’entreprise et une animation différente de la cellule de crise.
Un travail personnel et intime peut être nécessaire pour certains afin de se distancier de la situation. Pour ceux qui sont pris dans le tourbillon, pensez que vos concurrents sont dans la même situation que vous et que toute l’économie est impactée. Il ne s’agit plus d’être performant ou de retrouver en quelques jours les performances d’avant la crise, mais juste de survivre pour certains, redémarrer pour d’autres pour ensuite reprendre puis garder le meilleur contrôle possible de la situation.
2 – Le soutien aux équipes
De multiples façons, les équipes quel que soit leur niveau, ont été malmenées. Ceux qui ont été mis au chômage partiel ou total, l’encadrement qui s’est beaucoup investi dans ces premières semaines, sans oublier ceux qui ont été touché directement ou indirectement par la maladie, personne ne sort indemne du début de cette crise. De la même façon, les fonctionnements collectifs ont été très perturbés ou implosés. Une étape de remise en route est nécessaire, elle passe par une présence importante auprès de ses équipes.
La communication vers les salariés reste le 1er moyen : courrier, news letter spéciale, appels personnalisés, informations sur l’activité et la santé de l’entreprise, … Un seul mot d’ordre : simplicité et transparence même, et surtout, si des choses difficiles sont à expliquer.
Il est nécessaire de consacrer du temps au renforcement du lien social qui a pu être abimé par ce début de crise. Beaucoup de personnes ont besoin de parler et ne seront disponibles pour travailler efficacement qu’après l’avoir fait. C’est également indispensable pour identifier les fragilités qui peuvent apparaitre chez certains dans cette période compliquée alors que l’on va avoir besoin de toutes les forces.
Le mode crise renforce une animation directive, il est nécessaire de retrouver le temps d’écouter aussi sur le terrain professionnel. C’est un moyen pour que problèmes et solutions émergent de nouveau à un moment où le savoir-faire et l’expérience de tous sont plus indispensables que jamais.
Enfin, il ne faut pas ignorer le coup de fatigue de ceux qui ont été sur le pont plus que de raison depuis le début de la crise. Il faut leur permettre de souffler un peu avant de passer avec eux à l’étape d’après. Quelques bonnes nuits de sommeil et heures en famille sont certainement les meilleurs remèdes ; ce temps qui pourrait paraître comme perdu sera largement compensé quand elles reviendront avec une nouvelle énergie. Si les urgences absolues sont passées et vu ce qui nous attend encore, ce n’est pas quelques jours de repos qui vont changer les choses.
3 – Stabilisation des process
Ces trois dernières semaines peuvent avoir eu un effet dévastateur sur le fonctionnement de l’entreprise pour ceux qui sont à l’arrêt ou en fonctionnement limité. Mais ceci est également vrai pour ceux dont l’activité a continué en mode crise. En effet, l’ensemble des contraintes auxquelles il a fallu faire face viennent toutes créer des ruptures dans un fonctionnement qui était encore bien huilé il y a un mois : télétravail, distanciation, mesures sanitaires, absence pour maladie ou garde d’enfants, mais aussi rupture d’approvisionnement, process de production désorganisé, équipe commerciale à l’arrêt complet, …
Là où le cœur de la crise est passée et que le mode crise est devenue le nouveau mode normal, il est important de passer par une phase de remobilisation des équipes pour une remise en ordre des fondamentaux d’exploitation, de logistique, de facturation, de recouvrement, de social, de commerce, etc…
S’il est nécessaire, ce travail est à faire avant d’espérer redémarrer sinon, c’est un boulet qu’il faudra trainer et qui ralentira d’autant le remise en route. C’est aussi nécessaire pour envoyer le signal aux équipes que l’on sort progressivement du mode de de crise de temps court pour passer en gestion de crise de temps long.
Continuez de prendre soin de vous et de vos proches.
Paris, le 9 avril 2020.